Colloque l’image railleuse : Troisième séance

Séance 3 – Normes et modèles

La deuxième journée du colloque s’est ouverte avec la séance Normes et Modèles présidée par Annie Gérin (UQAM). Kate Grandjouan, professeur invité à l’Université de Belgrade, a débuté en présentant la place mineure, mais néanmoins régulière de la satire et de la caricature dans les salons anglais de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Après avoir souligné qu’amateur et professionnel se partageaient les Salons en Angleterre, Mme Grandjouan a présenté des œuvres d’Henry Bunbury et de Thomas Rowlandson. Malgré sa présence dans les salons, la satire graphique reste un art mineur et l’artiste doit, pour s’assurer que son œuvre soit considérée comme un objet d’art précieux, utiliser les codes graphiques de l’art établi. Ainsi, Rowlandson travaille avec précision l’architecture de ses estampes, les colore et privilégie les grands formats afin de tenter de s’établir comme un artiste reconnu. De son côté, Bunbury reste collé au modèle de l’aristocrate amateur avec ses dessins qui satirisent les grandes vues de ville tout en présentant certaines maladresses techniques.

Les conventions de l’art et sa définition se sont aussi retrouvées au cœur de la présentation de Frédéric Le Gouriérec, de l’université de Poitiers, dont la spécialité de recherche est l’art chinois. Le chercheur a démontré que la satire graphique en Chine relève de la tradition de l’art lettré. Celui-ci se démarque de l’art de cour, reconnu avant tout pour ses qualités techniques et ses sujets servant soit sa propension décorative, soit son rôle de propagande. L’art lettré se définit plutôt dans le plaisir de sa production qu’aux fins de sa réception. Il se lit par référence aux codes de l’art et à l’application des traits. Lorsqu’il y a satire, celle-ci se comprend grâce au jeu de ces éléments. À mille lieues des définitions de l’art occidental, l’art chinois se déploie donc à travers le temps comme un système codé et précis, ou la satire se retrouve beaucoup plus dans la technique que dans la thématique.

Par la suite, Aylin Koçunyan, chercheure à l’Institut français d’études anatoliennes, a mené l’audience entre l’Occident et l’Asie en s’intéressant à la caricature ottomane à partir de 1850. La Turquie voit l’émergence de la caricature avant tout dans la presse d’opposition. Elle reflète donc les grands problèmes sociétaux à travers les années et est utilisée comme un véritable moyen de confrontation avec le pouvoir en place. Alors que les pressions de la censure sont très importantes pendant près d’un siècle, la satire ottomane pose la question de la pertinence de l’humour comme moyen d’éducation. Elle devient le lieu ou la presse peut s’exprimer et expliquer la répression qu’elle subit. Dessinateurs ottomans et étrangers publient tour à tour dans la presse d’opposition, toujours en soulignant les particularités politiques du monde culturel et politique turc.

Juliette Bertron, doctorante de l’Université de Bourgogne, s’éloigne pour sa part des enjeux politiques de la satire afin d’étudier l’utilisation de la parodie et de l’autoportrait dans la pratique artistique de trois artistes : Eduardo Arroyo, Peter Saul et Maurizio Cattelan. Les trois hommes se servent de ces procédés afin de se poser en héritier, mais aussi pour se démarquer de leur modèle, soit, respectivement, Velasquez, Duchamp et Beuys. En parodiant leur maitre, les artistes se satirisent eux-mêmes et posent une réflexion autant sur leur propre pratique que sur l’histoire de l’art. Aroyo, Saul et Cattelan mettent de l’avant les thématiques autant que les médiums et les techniques de leurs modèles en regard des leurs afin, avant tout, d’exprimer leur propre identité.

Finalement, Jean-Philippe Uzel, professeur d’histoire de l’art à l’UQAM, a présenté le travail du peintre autochtone canadien Kent Monkman. Ce dernier a créé beaucoup d’œuvres comiques qui s’attaquent à l’image de l’amérindien et de l’indianité. L’artiste parsème ses œuvres de références visuelles qui ont marqué soit l’histoire de l’art, soit la mythologie de l’Amérindien créé par l’homme blanc. Ainsi, Monkman tente d’inverser le regard et de montrer au spectateur sa propre récupération des images qui ont fondé la colonisation. Il intègre son point de vue en commentant l’histoire de façon visuelle. L’œuvre de Monkman se base donc sur les principes satiriques de la référenciation et de la citation. Le spectateur doit savoir reconnaître les codes utilisés par l’artiste pour avoir accès au sens de l’œuvre.

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